Apprendre à écrire des haïkus est une formidable façon de faire ses premiers pas en écriture poétique. Dans ce guide, je couvre les règles principales du haïku et vous offre un parcours étape par étape pour partir d’une idée et vous rendre jusqu’à la fin du travail d’écriture. Voici le seul article dont vous aurez besoin pour écrire votre premier haïku!
Ça me surprend toujours quand quelqu’un me dit qu’il aimerait écrire.
« Pourquoi tu n’écris pas? »
Ça ne coûte pratiquement rien, ne demande pas de matériel spécialisé, peut se faire n’importe où. C’est probablement l’activité la plus accessible au monde, tout de suite après la méditation.
Ceci dit, je comprends. Écrire demande du temps et la plupart des gens considèrent qu’ils n’en ont justement pas, de temps.
Il y a heureusement des formes littéraires plus simples pour celui ou celle qui désire rejoindre le club de « ceux qui écrivent ».
Vous désirez apprivoiser l’écriture sans vous laisser intimider? Rien de mieux que le haïku.
Tout le monde est capable d’écrire trois lignes.
Vous pourrez amener vos poèmes avec vous partout, travailler dans votre tête, faire de courtes séances d’écriture à temps perdu et rester motivé.
Le haïku est simple, mais n’est pas simpliste. La forme est à la fois immense et minuscule. Des centaines d’auteurs ont visité la forme. Jack Kerouac, Dany Laferrière, Ezra Pound, Paul Éluard…
Cet article se veut un guide d’écriture détaillé pour les débutants, sorte de cours haïku 101.
J’ai également tenté d’y inclure quelques réflexions personnelles sur l’art poétique. Comme toute chose, l’aspect technique s’apprend facilement, le vrai secret est de trouver sa propre voix et d’avoir du plaisir.
Comme disait Brel : « Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose ». Allons-y!
Un haïku, qu’est-ce que c’est? (Une définition)
Le haïku est un type de poème court qui consiste généralement en trois lignes non rimées et qui traite d’instants éphémères. La forme traditionnelle est née au japon et pourrait remonter au 9e siècle. Le nom de « haïku » est apparu au 14e siècle.
Le haïku japonais devait évoquer une saison précise, le Kigo.
Il devait aussi comporter un mot césure, le Kireji, qui sert à marquer une pause. Il existe plusieurs Kireji en japonais, avec des significations particulières. Comme il n’y a pas vraiment d’équivalent pour ça en français, certains auteurs occidentaux utilisent des onomatopées (oh! ah!) ou des tirets. D’autres abandonnent tout simplement la pratique.
Voici un exemple d’une traduction d’un haïku célèbre qui utilise le Kigo et le Kireji.
Dans son essence, le haïku est axé sur des images de la nature. Il met l’accent sur la simplicité, l’intensité et la vérité de moments qui sont généralement difficiles à capter. Il présente l’état intérieur de l’auteur ou sa relation face à son environnement.
Pour certains, le haïku est plus qu’un type de poème, c’est une façon de voir le monde qui nous entoure, de percevoir la profondeur des choses, jusqu’à la nature même de l’existence.
Bashô, un des grands maîtres du haïku, écrivait qu’un poème doit : « révéler, en même temps, l’immuable, l’éternité qui nous déborde, le fugitif et l’éphémère qui nous traverse. »
Gros contrat!
Forme et format d’un Haïku
Selon la règle, un haïku ne doit pas être plus long qu’une respiration.
Le format classique est composé de 17 syllabes, normalement disposées en trois lignes de 5, 7 et 5 syllabes.
Aujourd’hui plusieurs auteurs contemporains explorent le style en se permettant des libertés au niveau de la forme. Il faut réaliser d’entrée de jeu que la plupart des haïkus célèbres traduits en français respectent plus ou moins le piétage exact, afin de pouvoir respecter le sens.
Voici un exemple d’une traduction du porte-étendard du haïku classique japonais, Kobayashi Issa.
Pluie de printemps (4) au portail (3) le canard clopine (5)
Il y a d’ailleurs un certain débat autour de la règle du 5-7-5. D’abord, parce que le haïku japonais s’écrivait sur une seule ligne et non trois. Ensuite, parce que le concept de syllabes représente mal la façon japonaise de compter les sons. Une syllabe française peut, par exemple, contenir jusqu’à trois mores (l’unité de mesure utilisée en japonais).
Il y a, d’un côté, ceux qui considèrent que se borner à écrire un haïku en trois lignes de 5, 7 et 5 syllabes est un jeu de conformité un peu futile et ceux qui pensent que transgresser la règle est contre-productif.
Donc. On fait quoi?
On fait comme on veut! Ou mieux encore, on apprivoise la contrainte pour mieux la contourner par la suite.
Pour l’instant, prenons pour acquis que, bon élève, non abordons la forme poétique en respectant la règle du piétage.
Comment compter les pieds d’un haïku en français?
On compte les syllabes toniques, soit les syllabes qu’on prononce. En d’autres termes, on compte les sons du mot. En poésie, on appelle ces syllabes le : « pied »
Instinctivement, en faisant semblant d’être un élève de première année qui apprendrait à écrire, on arrivera assez prêt d’un comptage acceptable.
Le cas du « e » muet
Évidemment, comme toujours en français, ce n’est pas aussi simple que ça. Des règles viennent compliquer le tout.
Certaines lettres sont plus capricieuses que d’autres, notamment la lettre « e », qui, placée à la fin d’un mot, ne se compte pas (ne se prononce pas) si :
- Le « e » est à la fin du vers (vers = phrase)
- Le « e » à l’intérieur d’un mot est entre une voyelle et une consonne
- Le « e » se trouve à la fin d’un mot et que le mot suivant commence par une voyelle
En revanche, le « e » se prononce si :
- Le « e » se trouve à la fin d’un mot et que le mot suivant commence par une consonne
- Le « e » à l’intérieur d’un mot, est placé entre deux consonnes
Il y a d’autres subtilités, mais ces quelques règles vous donneront un bon point de départ. Pour ceux qui souhaitent se pratiquer, voici un outil en ligne pour compter les pieds.
Autres facteurs à considérer
Le texte est-il fait pour être récité ou chanté? Est-ce qu’on écrit volontairement dans une forme proche du langage parlé, volontairement incorrect au niveau de la syntaxe?
L’idée, je crois, est de ne pas forcer la chose. Le comptage devrait avant tout être musical et aider à évoquer un sentiment.
Personnellement, à chaque fois que je tente d’être hyper rigide sur les « règles » à suivre, je produis un texte un peu stérile.
À vous de voir.
Étudiez les auteurs que vous aimez et surtout, ne laissez pas ces formalités entacher votre désir d’écrire.
Créer son premier haïku
C’est décidé. Vous allez écrire un haïku.
Sous peu, certains s’inquiéteront : « Mais où vais-je trouver l’inspiration? ».
Voici 4 points à considérer pour mettre fin au syndrome de la page blanche et entamer le processus de création.
1. L’inspiration est surévaluée
L’auteur Jean Anouilh a déjà dit : « L’inspiration, c’est une invention des gens qui n’ont jamais rien créé. »
Bang! Que dire de plus?
N’accordez pas trop d’importance à l’inspiration. Les gens qui écrivent, écrivent parce qu’ils écrivent.
Parfois c’est facile, parfois c’est ardu, c’est comme ça. Ne pensez pas à être inspiré, vous serez plus ouvert, moins craintif et probablement plus inspiré.
L’idée, c’est de se mettre en marche. Pensez à des trucs concrets qui vous motiveront à travailler vos haïkus. Par exemple :
- Préférez-vous écrire sur du papier ou sur votre ordinateur?
- Dehors ou à l’intérieur?
- Le matin ou le soir?
- Assis, debout… dans le bain?
- Avec une tasse de thé ou un verre de vin?
Au lieu d’attendre l’inspiration, mieux vaut définir sa routine d’auteur en essayant plusieurs formules.
2. Pensez comme un photographe
Le haïku, c’est l’art de la contemplation. C’est une façon de prendre une photographie, de capter un instant qui passe parfois inaperçu.
Ouvrez l’œil. Voyez les choses comme un enfant. Une promenade en nature peut aider. Prenez le temps de regarder les animaux. Tentez de regarder sans trop réfléchir, laissez passer les jugements sans leur accorder d’importance, il viendra peut-être quelque chose de surprenant.
Faites la même chose avec les natures mortes et les objets. Chaque objet a une histoire.
3. Revisitez vos souvenirs
Un souvenir reste en mémoire, car il est chargé d’une émotion ou d’un sentiment. Partir d’un souvenir ou d’un événement vécu peut être une belle matière première. On peut alors se poser les questions suivantes :
- Qu’est-ce que je sentais à ce moment-là?
- Comment cela s’exprimait-il en moi?
- Quelles images surgissent?
- Est-ce que ce souvenir évoque une saison en particulier?
4. Méfiez-vous des bonnes idées
Comme pour toute forme d’écriture, parler de ce qu’on connaît est un bon réflexe. Le sujet devrait vous intéresser, vous inviter à faire des recherches pour trouver ce qui s’y cache.
Parfois le flash du départ est anecdotique, voire même sans intérêt, et pourtant, vous y revenez avec un sentiment que vous « tenez quelque chose ». Il faut écouter ça.
En revanche partir d’un concept, d’une idée ou d’une réflexion intellectuelle est généralement une avenue périlleuse :
« Je vais faire un haïku sur la grandeur relative de l’être humain face au passage du temps qui s’exprime par la fonte de la neige au printemps alors que je suis en amour »
Je vous souhaite bonne chance!
Le « vieux bout de bois que vous voyez là-bas » est peut-être plus porteur, si le « vieux bout de bois » fait naître quelque chose en vous.
Restez prêt de vos émotions et commencez plutôt en utilisant vos cinq sens.
Écrire son haïku
Peu importe votre façon de faire naître le poème, il y aura toujours un moment où il faudra l’écrire. On passe alors de la théorie à la pratique. Vous savez ce qu’est un haïku. Vous connaissez la forme classique. Vous avez un début, un mot, une phrase : quelque chose!
Il s’agit maintenant de poser les mots sur la feuille pour honorer l’esprit haïku.
Malgré sa forme très courte, un haïku est généralement composé de deux parties.
- Le contexte
- L’action (ou l’état)
La façon la plus simple de structurer un haïku pour un débutant est de décrire le contexte, la situation (ou l’environnement) dans la première ligne, puis le sujet et l’action dans la deuxième et troisième ligne. EX. :
Nuit d’été Le bruit de mes socques Fait vibrer le silence
Il existe d’autres façons de structurer le poème, mais celle-ci est simple et pleine de possibilités.
➤ Pour ceux qui désirent approfondir les techniques de rédaction, je vous propose deux ouvrages à la fin de cet article.
Réviser son haïku
Plutôt que de tenter d’écrire un haïku en suivant une recette pour s’assurer d’y inclure TOUS les ingrédients, référez-vous plutôt à une grille d’évaluation une fois votre premier jet terminé.
Vous serez alors plus en mesure de cerner les aspects qui peuvent « manquer » au poème.
★★★ Marquez cette page dans vos favoris pour revenir à la grille après la création de quelques poèmes.
Caractéristiques habituellement associées au haïku (grille d’évaluation)
Mon haïku comporte-t-il?
- Un élément relatif à la nature ou aux saisons
- Un ton contemplatif ou impressionniste (représentation d’impressions de la réalité)
- Une syntaxe style télégraphique. Pas de mots superflus (ex : Bord de mer plutôt que Je me trouve au bord de la mer)
- Des lignes non rimées
- Une utilisation de l’indicatif présent (l’auteur est dans le moment)
- Une utilisation minimale de la ponctuation
- Une imagerie sensorielle (basée sur les cinq sens, et non sur leur interprétation ou sur l’intellectualisation des choses)
- Une juxtaposition de deux sujets (par exemple une situation de la nature et un comportement humain)
Après avoir revu votre premier jet à l’aide d’une grille d’évaluation, vous pourrez décider de retravailler votre haïku ou simplement de le laisser tranquille, s’il ne vous plaît pas du tout. Il vaut parfois mieux écrire un nouveau poème que retravailler à l’infini un mauvais premier jet.
Astuce | Quand on décide d’en retravailler un qu’on aime, la meilleure façon, selon moi, est de le faire dans sa tête, à temps perdu. Retravailler un vers en faisant une autre action (prendre sa douche par exemple) est souvent une façon d’éviter d’être trop volontaire.
Et on s’arrête quand? Un moment donné vous aurez le sentiment que les mots ne peuvent plus ou ne veulent plus bouger. Votre haïku est terminé.
***
Voilà. Si vous lisez ces lignes, vous avez mentalement fait tout le parcours qui va dans la première étincelle jusqu’au produit fini. Ne vous reste plus qu’à recommencer et à recommencer.
Je vous souhaite un long et merveilleux voyage créatif.
Livres sur le haïku
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Livres : L’art du haïku – Pour une philosophie de l’instant
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Écrire des haïkus : Petit manuel pour écrire des haïku… Et tous types de poésie
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Crédit photo de couverture : Spencer Collection, The New York Public Library. (1798). Figure seated by a waterfall. Verse by Riboku.
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