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En France, le roman est étudié au lycée. Au Québec, le titre évoque la nostalgie des belles années du « cours classique ». Avis sur l’œuvre, par un lecteur qui n’avait pas à en faire une dissertation.
Titre | Le Rouge et le Noir
Auteur | Stendhal
Genre | Roman d’apprentissage
Pays | France
Année de parution | 1830
Nombre de pages | 576
💈 (TLPL) « Trop long, pas lu »
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Le Rouge et le Noir : ton sur ton
Quand j’étais dans la vingtaine, ma vie se résumait à tenter d’écrire des chansons et à essayer de gagner ma vie.
J’ai fait toutes sortes de petits boulots, mais j’ai beaucoup travaillé dans les hôpitaux. C’était difficile et déprimant (il y a beaucoup de malades dans les hôpitaux… et je ne parle pas des patients) mais ça me permettait de rester, mentalement parlant, entièrement disponible à la création.
Un beau matin, je me suis donc retrouvé en psychiatrie, dans un uniforme d’employé de buanderie, pour une livraison de draps contours.
Je sais que tout ça semble loin de Stendhal. Je retarde un peu le moment où je vais parler du livre, comme je retardais les moments où j’allais le lire, mais restez encore un peu, voyez-vous, j’y arrive.
Donc je suis sur l’étage de la psychiatrie quand un patient s’adresse à moi :
« Hé, je te connais-toi! »
« … Non, je ne penserais pas. »
« Oui, oui, tu fais de la musique. J’ai vu ton show à la Place des Arts! »
Je venais effectivement de faire un spectacle à la Place des Arts. Il me donnait ensuite le titre d’une de mes chansons.
J’ai pogné de quoi.
Je me suis dit : « J’ai un public. Il est en psychiatrie ».
Le reste est flou : il avait bien aimé le spectacle, se questionnait à savoir pourquoi je ne tournais pas plus et d’ailleurs, me demandait ce que je faisais à l’hôpital?
Irréel. Durant tout son monologue, dans sa main droite, un roman : Le Rouge et le Noir.
Le titre était tout aussi mystérieux que mon interlocuteur. Je n’avais qu’une vague idée sur Stendhal et sur le roman.
C’était un classique du roman français, mais de quoi ça pouvait bien parler? Intrigué, j’ai acheté le roman quelques jours plus tard chez un bouquiniste. Une pochette affreuse.
J’avais l’impression que ce serait d’un ennui mortel et ça m’a pris un bon bout de temps pour trouver le courage de l’ouvrir, 10 ans pour être exact. Il aura fallu une pandémie mondiale. Un confinement.
Résumé
(Un résumé qui n’en dévoile pas trop!)
Le Rouge et le Noir est un volume imposant. Le récit est divisé en deux parties, soit deux « livres » de 30 et 35 chapitres.
On y suit l’histoire de Julien Sorel, fils de charpentier, un intello qui souhaite faire sa place dans le monde. Ce monde, c’est la France du début du 19e siècle.
Julien rêve de gloire. Il se nourrit du souvenir des victoires de Napoléon et s’abreuve de mots. Il sait d’ailleurs réciter par cœur le Nouveau Testament en latin et tout le monde est d’avis que « quand même, faut le faire ».
Il entre donc à l’emploi de Monsieur de Rênal, maire de son village et devient tuteur de ses enfants. Le voilà avec une position!
La réalité, c’est que Julien ne s’intéresse pas tant aux études religieuses. Il apprécie la valeur littéraire de la Bible et utilise sa capacité à mémoriser du latin pour impressionner ceux placés plus haut que lui dans la société, mais c’est avant tout un jeune homme qui tente de se frayer un chemin dans la vie.
Il découvre le mépris de la bourgeoisie face aux gens des classes inférieures. Il devra se battre avec lui-même pour conserver son amour propre et ne pas sombrer dans la honte de soi.
Commence alors une histoire d’amour avec la femme de Monsieur de Rênal (même si le bonhomme a dans la cinquantaine, sa femme a quelque chose comme 23 ans…) Les jours de Julien deviennent donc une longue suite d’hypocrisie. Il enseigne aux enfants le jour comme brave précepteur et se découvre la nuit dans les bras de la femme de l’autre.
Les rumeurs, propagées par les femmes de chambre, se mettent à courir, et évidemment, tout se complique.
Julien devra partir. Il intégrera le séminaire de Besançon, où il passera un mauvais quart d’heure, détesté par ses camarades prêtres. Ce qu’ils lui reprochent? Être un intello. On comprend que la plupart de ces néophytes de la foi sont des fils de paysans pauvres qui viennent principalement améliorer leur condition, en recevant trois repas par jour.
Bon joueur, Julien fera ce qu’il faut, deviendra un parfait dévot et sera récompensé d’un poste comme secrétaire du marquis de La Mole, et pas n’importe où…
À Paris, les amis!
Là, il sera témoin des problèmes de l’élite parisienne avant la révolution de 1830 et atteint par le charme de Mathilde de la Mole, fille de son patron.
Julien, il faut lui donner ça, n’a pas peur de se mettre dans le trouble.
D’ailleurs, trouble il y aura.
Julien succombera-t-il à l’appel d’un possible amour? Mathilde sera-t-elle apte à vivre une passion dévorante en secret?
N’ayez crainte. Stendhal va vous raconter tout ça.
Thèmes
L’ambition
Malgré son orgueil et son égocentrisme, la volonté première de Julien est noble. Il veut se réaliser. La rage qu’il y porte en lui contre « les bassesses de sa fortune » est légitime. On ne peut qu’être touché devant l’injustice d’un sort fixé par une classe : ce que cela produit dans le cœur de l’homme. Cet état est décrit du point de vue romantique de Julien, et de manière mature et réaliste par le narrateur.
Les sentiments humains
L’amour, le désir, la fierté… la joie. On découvre les hésitations, les faux pas, les maladresses de chaque protagoniste. Ce souci du détail dans la description des états d’âme, cette capacité à mettre en mots la vie secrète des êtres humains est remarquable.
L’étude sociale et politique
Le roman expose en filigrane, la situation de la France durant la restauration : la période où elle renouait avec de la monarchie en tant que régime politique après les belles années l’Empire napoléonien. On vit à travers les réflexions des bourgeois, des hommes de foi et des pauvres, le grand mouvement qui mènera à la Révolution française de 1830.
Style
La construction narrative fut qualifiée à l’époque de « moderne », car l’auteur est présent, il se permet des digressions, des pointes d’ironie et une désinvolture qui fait parfois sourire.
Le style de Stendhal reste pourtant sobre, bien qu’il ne craigne pas la longue phrase. Le développement de la pensée est tout en lenteur, sans effet. La précision des sentiments qui traversent les personnages et qu’ils ignorent parfois eux-mêmes est ahurissante.
Cette approche est d’ailleurs considérée comme une première ébauche de ce qui deviendra « le monologue intérieur », précurseur des styles marquants du 20e siècle.
Extraits
Un exemple des réflexions acerbes de Stendhal sur la petitesse des hommes menés par le pouvoir. Quelqu’un ici a déjà connu un homme du genre? Un travailleur autonome peut-être…
❝Pour peu que le voyageur s’arrête quelques instants dans cette grande rue de Verrières, qui va en montant depuis la rive du Doubs jusque vers le sommet de la colline, il y a cent à parier contre un qu’il verra paraître un grand homme à l’air affairé et important. A son aspect, tous les chapeaux se lèvent rapidement. Ses cheveux sont grisonnants, et il est vêtu de gris. Il est chevalier de plusieurs ordres, il a un grand front, un nez aquilin, et au total sa figure ne manque pas d’une certaine régularité : on trouve même, au premier aspect, qu’elle réunit à la dignité du maire de village cette sorte d’agrément qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou cinquante ans. Mais bientôt le voyageur parisien est choqué d’un certain air de contentement de soi et de suffisance mêlé à je ne sais quoi de borné et de peu inventif. On sent enfin que le talent de cet homme-là se borne à se faire payer bien exactement ce qu’on lui doit, et à payer lui-même le plus tard possible quand il doit. Tel est le maire de Verrières.❞
Un passage où Julien tenter de se ressaisir et de dominer ses sentiments face à la méchanceté de ses maîtres :
❝Il n’y a qu’un sot, se dit-il, qui soit en colère contre les autres : une pierre tombe parce qu’elle est pesante. Serais-je toujours un enfant? Quand aurai-je donc contracté la bonne habitude de donner mon âme à ces gens-là juste pour leur argent? Si je veux être estimé d’eux et de moi-même, il faut leur montrer que c’est ma pauvreté qui est en commerce avec leur richesse, mais que mon cœur est à mille lieues de leur insolence, placé dans une sphère trop haute pour être atteint par leurs petites marques de dédain ou de faveur.❞
Critique
J’ai travaillé fort dans les coins pour ne pas être assommé par Le Rouge et le Noir.
À la fin du match, en préparant ce texte, je suis tombé sur l’avis d’un lecteur qui disait :
« Si vous ne connaissez pas l’état de la France dans les premiers jours qui ont suivi Napoléon, alors il vous manque probablement la plus grande partie du sous-texte. »
Il enchaîne sur la situation politique en France à l’époque, les tensions religieuses, économiques et sociales…
« Suivez le chemin du thème et non le mouvement ennuyeux de l’intérêt amoureux de Julien et vous verrez pourquoi ce roman mérite sa réputation. »
J’ai lu ça et je me suis dit : j’ai passé à côté. J’ai suivi le mouvement ennuyeux de l’intérêt amoureux de Julien.
Voilà pourquoi, lorsque la deuxième partie du roman s’est entièrement révélé, que j’ai réalisé que Stendhal reprenait, simplement en changeant le décor, la même histoire qu’à la première partie (un jeune homme sans fortune et une jeune bourgeoise se rapprochent, pis c’est compliqué, pis c’est passionnel, pis c’est douloureux, pis nos sentiments nous jouent des tours, pis toutte, pis toutte) j’aurais voulu crier.
Je me suis mis à lire plus vite, à mille lieues du drame des protagonistes. On est intouchable lorsqu’on s’ennuie.
Bien sûr ici et là, des pointes d’intérêts pour l’arrière-plan, pour le portrait social (discret, mais présent) une once d’émerveillement pour la description des états d’âme…
Mais un moment donné, l’ennui se transforme en frustration, l’impression de ne pas faire une bonne affaire et notre seul phare devient ce mot, écrit en majuscule à la dernière page : FIN.
Donc voilà, je suis probablement passé à côté.
Peut-être qu’avec plus d’intérêt ou de connaissance sur la France de Napoléon, j’aurais supporté l’épanchement du style. Peut-être.
Je reste donc avec cette impression, réductrice au possible : Le Rouge et le Noir, c’est un portrait des états intérieurs sur quelqu’un qui veut devenir quelqu’un, c’est génial, mais y’a 400 pages de trop.
➤ Note et verdict
(TLPL)
« Explique-moi Le Rouge et le Noir comme si j’avais cinq ans »
C’est un livre sur un garçon pauvre qui voudrait être un prince. C’est une très longue histoire.
Note d’appréciation perso : ★★
Note goodreads (+ de 60 000 votes) : ★★★ 1/2
Le Rouge et le Noir apparaît sur la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps selon le Cercle norvégien du livre.
Vous aimerez si :
- Vous avez une passion pour la mécanique de l’âme
- Un intérêt pour l’histoire prérévolution française
- L’injustice du rang et la lutte des classes vous touchent toujours
Vous n’aimerez pas si :
- Vous n’avez aucun intérêt pour l’histoire de la France
- N’aimez généralement pas la littérature classique française
- Vous avez peu de disponibilité de lecture (se lit mal à coup de quelques pages)
Lire Le Rouge et le Noir
Oeuvres romanesques complètes T.1: Le rouge et le noir
Format poche
🇫🇷 La Fnac (FR)
Livre audio
Disponible sur Audible dans une narration de Michel Vuillermoz
Manga
🇫🇷 La Fnac (FR)
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Crédit photo de couverture : British Library sur Unsplash
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