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Un roman poignant sur l’appel du grand large créatif. Un livre qui en fera chavirer plus d’un.
Titre | Martin Eden
Auteur | Jack London
Genre | Roman autobiographique
Pays | États-Unis
Année de parution | 1909
Nombre de pages | 448
💈 (TLPL) « Trop long, pas lu »
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Martin Eden : l’appel de la liberté
Par où commencer? Il y a des œuvres qui nous touchent si profondément, que le simple fait d’en parler nous donne l’impression d’être un peu impudiques.
Je n’avais aucune idée du sujet du livre. Je savais que le personnage de Martin était marin, je me préparais donc à affronter les grands vents et l’air salin.
Martin Eden n’est pas un roman d’aventures. Pas du tout.
C’est un roman sur la découverte de sa nature profonde. Sur le prix qu’il faut payer pour honorer la fragile vérité qu’on porte en nous. Celle qui réclame notre attention, qui nous pousse à agir.
Il faut du courage pour inventer sa vie, peu importe ses intérêts ou ses aspirations. Et même si nos proches ou nos pairs nous soutiennent, c’est un périple qu’il faut faire seul.
Un périple impitoyable.
J’écris ces lignes en pensant soudain à ce petit jeu que vous connaissez aussi.
- En lisant cette phrase, remémorez-vous la personne que vous étiez à 16 ans. Prenez un petit moment.
- Répondez à la question suivante : est-ce que la personne que j’étais serait fière de l’adulte que je suis devenu?
(…)
Certains lecteurs, qui dévoreront le roman de Jack London, se diront plutôt, en le refermant :
Est-ce Martin Eden serait fier de moi?
Résumé
(Un résumé qui n’en dévoile pas trop!)
Californie, début du 20e siècle.
Martin est un jeune marin des bas-fonds d’Oakland. Il a parcouru le monde, n’a pas peur du travail, est fait fort, sait se défendre et plaît aux femmes.
Un jour, il porte secours à Arthur Morse, un jeune homme qui se faisait tabasser sur un quai. Celui-ci l’invite à souper chez lui, à la fois pour le remercier et pour divertir sa famille bourgeoise.
Chez Les Morse, Martin vit un choc culturel. Les livres, les tableaux, la discussion, la bienséance… Il n’en revient pas.
Quand il rencontre Ruth, la sœur d’Arthur, une jeune étudiante aux traits harmonieux et à la démarche élégante, il flippe complètement. Dans un état qui mêle le coup de foudre, la honte de soi et un puissant désir d’élévation intérieure, Martin prend la décision de s’éduquer.
Le lendemain, il se rend dans une bibliothèque et plonge dans des livres qu’il ne comprend pas à moitié.
Il continue de voir Ruth, avec qui il échange sur la poésie. Ruth adore son rôle de jeune-instruite-qui-aide-un-pauvre-ignare-tout-de-même-très-intelligent.
Martin vit de boulots éreintants et peu payants, mais est économe et discipliné. Il passe tout son temps dans les livres et, évidemment, progresse. Au retour d’un voyage en mer, il a une épiphanie : il sera auteur. Il aime écrire, a des tonnes d’aventures à raconter et a lu quelque part qu’un auteur à succès était bien payé. Cela lui donnera une situation acceptable pour marier Ruth.
Notre homme aborde la vocation avec la rage au ventre. Il commence à envoyer ses premiers manuscrits et à recevoir ses premiers refus. Ruth préférerait le voir être comptable, comme l’ami de son père, lui aussi parti de rien. Il le peut s’il veut, elle le sait.
Mais Martin voudra autre chose. Ici, maintenant. Coûte que coûte.
Thèmes
La vocation
Il s’agit d’un portrait à 360 degrés de la question avec, oui, une certaine glorification de ce feu qui brûle, mais aussi un portrait cru de la réalité : les éditeurs véreux, l’élite d’une société qui refuse toutes idées nouvelles, la dureté du métier d’auteur, la solitude qui vient avec la pratique.
Durant toute l’aventure, du premier appel des tréfonds de l’être, jusqu’aux cimes du désenchantement, Martin fait figure de rebelle. C’est l’artiste intègre qui refuse de se conformer ou de se mentir à lui-même.
La lutte des classes
L’œuvre dresse un portrait vibrant sur la tension entre les riches et les pauvres, à une époque où la bourgeoisie était synonyme d’accès au savoir.
Là où ça devient intéressant, c’est qu’après avoir mis l’élite un sur un piédestal, Martin arrive à prendre de la distance.
Il a fait les jobines misérables, vu l’aliénation de la classe moyenne… Il découvrira l’autre visage de l’autorité en place : des privilégiés qui dictent des règles qui les avantagent.
La gauche, la droite
Finalement, en filigrane, il y a une réflexion politique, encore fort actuelle aujourd’hui.
On assiste, dans le livre, à la naissance du socialisme dans les associations de travailleurs. Martin, lui, est libéral. Il croit que l’homme doit s’élever dans la société grâce à l’éducation et à sa capacité à créer de la valeur. Il a grand cœur, est généreux avec les plus démunis, mais ne croit pas à une intervention centralisée de l’État.
Ce qui est amusant, c’est que Jack London tentait, en brossant le portrait de Martin Eden, de passer un message : « Un de mes motifs, dans ce livre, était une attaque contre l’individualisme. J’ai dû la gâcher, car pas un seul critique ne l’a découvert ».
Effectivement, difficile d’y voir une attaque. On croirait plutôt une apologie de la force individuelle. Cette discrétion dans le commentaire rend la réflexion politique intéressante, sans qu’il y ait une once de prêchi-prêcha.
Style
London raconte son histoire. Lorsqu’il entame la rédaction de Martin Eden, il a déjà connu le succès avec ses romans d’aventures et traverse un passage à vide. Il écrit comme on se remémore le passé, parle de ce qu’il connaît.
Cela donne un roman à l’écriture réaliste, aux personnages bien campés. Pas de longues digressions ou descriptions. London est un raconteur d’histoire et son talent pour les récits d’aventures transparaît dans la construction narrative. On est littéralement absorbé.
Le vocabulaire est riche, la plume raffinée, mais la syntaxe est beaucoup plus simple (du moins dans la traduction) que certains écrits du début du 19e siècle. C’est une littérature qui ne devrait pas poser problème à un lecteur intermédiaire.
On parle parfois de Jack London comme de l’auteur qui a le mieux décrit le caractère des animaux (comme dans Croc-Blanc, par exemple).
Avec Martin Eden, il fait la démonstration qu’il a aussi royalement le tour avec les êtres humains.
Extraits
Le grand choc, au contact de la famille Morse. La droiture intérieure d’un homme qui reste vrai malgré tout :
❝II s’arrêta, bouche ouverte, au bord du gouffre où allait le précipiter sa propre indignité. Comment osait-il respirer le même air qu’elle ? […] Jusqu’ici, il n’avait pas été très brillant. Il n’était pas de leur clan et ne connaissait pas leur dialecte. À quoi bon faire semblant ? Il serait vite démasqué. Et il n’avait jamais aimé les masques, de toute façon. Il n’y avait pas de place pour l’artifice, chez lui. Quoi qu’il lui en coûtât, il devait rester lui-même. Il ne parlait pas encore leur jargon, mais, avec le temps, cela viendrait. Il y était décidé. En attendant, puisqu’il devait parler, il le ferait avec son propre langage, en veillant simplement à ne pas les choquer et en s’efforçant d’être compréhensible. En outre, en aucun cas, même tacitement, il ne prétendrait être familiarisé avec des choses qui lui étaient inconnues.❞
Martin découvre sa vocation :
❝Une fois que l’idée eut germé, elle ne le quitta plus et son voyage de retour à San Francisco se déroula comme dans un rêve. Une sorte de vertige le grisait. Il se sentait capable de tout. Au milieu de la vaste mer solitaire, l’avenir lui apparaissait sous un jour nouveau. Pour la première fois, il visualisait l’univers de Ruth avec netteté, comme un objet concret qu’il pouvait saisir, tourner et examiner entre ses mains. De nombreuses zones d’ombre subsistaient, mais il regardait l’ensemble, non les détails, et concevait le moyen de le dominer. Écrire ! L’idée l’enfiévrait. Il s’y mettrait dès son arrivée. Il commencerait par décrire la chasse au trésor et enverrait son histoire à quelque journal de San Francisco.❞
Critique
Je vais être bref, ce qui n’est pas la principale marchandise de mon magasin.
J’ai adoré le roman.
Tellement, en fait, que toutes explications seraient un peu inutiles. J’ai vécu, le temps de quelques jours, la grande connexion qu’on espère tous lorsqu’on ouvre un classique. J’ai refermé le livre presque endeuillé.
Pour moi, l’œuvre trône très haut parmi les classiques du roman autobiographique et du roman d’apprentissage.
L’arrogance de Martin pourrait agacer certains lecteurs, certaines prises de position, notamment sur la théorie de l’évolution, sont marquées par l’époque… Mais je vois mal comment cela peut altérer le plaisir.
Le roman n’est pas un feel good story mais je n’ai jamais senti ni de lourdeur ni d’apitoiement dans le style. La qualité littéraire, le souffle, l’évolution du récit, tout ça fait du roman un grand coup de circuit.
Mon seul bémol (je n’en reviens toujours pas) n’a rien à voir avec Jack London, mais plutôt la préface de mon édition, où l’autrice nous dévoile la fin du livre dans son analyse.
Sérieux?! Pourquoi faire ça?
Bref, on ne prend pas de chance, on saute la préface.
On plonge tout de suite dans les vagues de la Californie, dans la grande quête du trésor artistique.
➤ Note et verdict
(TLPL)
« Explique-moi Martin Eden comme si j’avais cinq ans »
C’est un livre sur quelqu’un qui veut écrire un livre vraiment fort!
J’ai aimé ça beaucoup.
Note d’appréciation perso : ★★★★ 1/2
Note goodreads (+ de 28 000 votes) : ★★★★ 1/2
Martin Eden apparaît à la 61e place des 100 livres du siècle, liste créée par les journalistes du Monde et les lecteurs de la Fnac.
Vous aimerez si :
- Vous avez un intérêt pour l’appel d’une vocation
- Vous aimez les récits de self-made man
- Vous avez une affinité pour ceux qui questionnent l’ordre établi
Vous n’aimerez pas si :
- Vous espérez lire un roman d’aventures, comme Croc-Blanc
- Vous êtes rebuté par les artistes, tous des rêveurs
Lire Martin Eden
Grand format (fort belle édition!)
🇫🇷 La Fnac (FR)
Format poche
🇫🇷 La Fnac (FR)
Livre audio
Disponible sur Audible dans une narration de Denis Podalydès
Roman graphique
🇫🇷 La Fnac (FR)
***
Avant de se dire au revoir…
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Crédit photo de couverture : Liza-Uleksina – Unsplash
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