Elle est avec toi dès la première seconde Alors que les choses n’ont pas de nom Elle brille de tous ses feux Un à un, te révèle ses secrets La pluie est mouillée La glace est glissante Le sable coule entre les doigts Le caillou pique sous le pied C’est ta reine, ton royaume Elle est toute ta vie La réalité Elle t’offre la lune Te donne carte blanche Tu construis des cabanes, des châteaux, des forts Entre les feuilles qu’on ramasse l’automne et les cadeaux sous le sapin Il y a une éternité Puis un jour, il y a l’école Tu découvres les dangers de la récréation Tu apprends à construire des murailles C’est l’époque des flèches qui font pleurer Des petits couteaux dans le dos Œil pour œil dent pour dent Tu découvres le monde de l’autre Le monde des grands Tu apprends qu’il y a des règles, des lois Ça fait du bruit Chaque année on monte le son Le vacarme des choses ordinaires Au secondaire tu cherches un repaire Il y a la musique Il y a les romans La guitare trouvée dans le grenier La réalité c’est pour les cons D’ailleurs tu peux faire mieux Tu fais pousser des oranges dans ta chambre Tu prends le maquis Entres en résistance Contre le monde qui s’endort Toi, le petit Che Guevara de Beauport Ta décision est prise Tu vivras d’amour et d’eau fraîche Tu referas le monde Tu n’auras pas de titre, pas de fonction Tu ne seras pas un pion Parce que rien n’est vrai Parce que tout le monde ment Chacun a quelque chose à vendre La réalité n’est qu’un paiement de laveuse-sécheuse Tu vogues là-dessus pour un bout Tu prends les vagues de face et ton radeau tient le coup Tu accostes dans les ports des grandes villes Sur les docks, tu reçois tes premiers coups Tu apprends à te défendre (Tu savais qu’il fallait se battre) Puis quelque chose d’étrange se produit Tu ne le réalises pas tout de suite Mais à chaque fois que tu gagnes une bataille Ça semble repousser plus loin la fin de la guerre Et quand tu obtiens finalement ce que tu voulais Ce n’est jamais vraiment ce que tu voulais Peu à peu s’infiltre en toi les eaux sales du pourquoi moi Les saisons tournent en rond Les années passent Tu changes de quartier Tu changes de ville Tu changes de style Tu changes d’ami.e.s Tu changes d’amour Rien n’y fait C’est toujours la même chose La réalité t’ennuie Alors tu te mets à faire comme tout le monde Tu chiales Tu sautes là-dedans au moindre comment ça va C’est gênant! Tu fais partie du problème C’est toi le problème Vois les choses en face Affronte la réalité : Il n’y a pas d’injustice Mise à part la vraie injustice Et tu le sais fort bien C’est tout à fait clair maintenant Tu n’as jamais connu la vraie injustice Tu as fait des choix Tes choix Il va falloir abréger S’en tenir au fait Le monde est ce qu’il est Une pierre tombe parce qu’elle est pensante Tu veux déjà tester ta nouvelle approche : « Le frigo est brisé » « On s’est fait voler les caps de roues » « L’internet est lent » « Le théâtre n’est pas payant » Que des faits Que du réel Aucun commentaire Voilà ce qui est et qu’il en soit ainsi Tu vas faire la même chose avec tes rêves Veux-tu vraiment être seul dans la splendeur Et toute ta vie, courir après l’étoile étincelante? Tu n’as plus l’âge des romantiques Tu veux rêver de choses qui existent Un piano à queue Un petit bout de cour Un boisé Un ruisseau Tu demandes pardon Pardon pour avoir tant soupiré Et voilà qu’aujourd’hui tu plantes des graines sous un néon Au milieu de l’hiver Pour l’instant ce n’est pas grand-chose, mais demain ce sera un jardin Et même si ça ne change pas le monde Même si cela ne te propulse pas vers l’avant C’est le début de quelque chose de tout simple Quelque chose de bien réel ***
La phrase « Une pierre tombe parce qu’elle est pensante » est tirée du roman Le Rouge et le Noir, livre assez endormant, mais qui renferme plusieurs jolies phrases.
Derniers poèmes
- La réalitéElle est avec toi dès la première seconde / Alors que les choses n’ont pas de nom
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- Bientôt le printempsIl a neigé toute la nuit / Les voisins ont encore déneigé le balcon…
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